Tous des assistés ?

Oct 17, 2018

Des droits mais pas de devoirs, les pauvres sont-ils des assistés ?

Ceux qui bénéficient de prestations sociales sont-ils des profiteurs ?
Petit hic, il n’est pas possible de profiter des avantages du système de protection sociale sans subir les inconvénients des obligations. Le système d’aide sociale a évolué dans ce sens, il faut fournir une contrepartie pour en bénéficier : on ne peut pas donc être un simple profiteur.

Le système de protection sociale a évolué

La définition même de l’aide sociale a beaucoup évolué ces dernières décennies. D’un État providence, nous sommes passés à un modèle d’État social dit actif.
Dans ce système, l’aide est un droit conditionné à un comportement où le bénéficiaire montre qu’il est volontaire à une démarche de participation sociale. Concrètement dans le cas d’un chômeur, cela signifie qu’il doit faire preuve de sa pleine volonté de se réinsérer sur le marché du travail, se montrer employable et être capable d’en apporter la preuve. Là est son devoir, lequel conditionne le versement des aides. L’État social actif voit d’un mauvais œil l’indemnisation sans « contrepartie » de la part du bénéficiaire.

On est en fait passé de la vision d’une solidarité collective qui prend en charge un risque dont l’individu peut être victime (chômage ou maladie par exemple) à une vision où l’allocataire social, bien souvent dans une situation précaire, est un inadapté qui est en partie responsable de sa situation et dont il doit se sortir seul.

Aujourd’hui, ne pas se plier aux obligations du système expose l’allocataire à des sanctions aux conséquences lourdes.
D’après le rapport annuel de l’ONEM de 2015, 29.155 chômeurs de longue durée (plus de 36 mois) sont arrivés en fin de droit, auxquels il faut ajouter 9.801 sanctions de radiation temporaire ou définitive du système d’allocations chômage.
Ces sanctions font suite à un manquement du chômeur de se soumettre aux obligations contractuelles, c’est à dire prouver qu’il est motivé à trouver un travail (se présenter aux entretiens, faire état de candidatures…).

Les pauvres ne connaissent pas toujours leurs droits

 On peut se dire que si les pauvres bénéficient d’autant d’aides, c’est surement qu’ils savent faire valoir leurs droits. Pourtant, la réalité montre des chiffres bien différents. Le non-recours aux droits (aussi appelé non take-up) est courant bien que difficilement quantifiable. La fédération des centres publics d’action sociale (CPAS) de Wallonie a constaté que plus de 70% des personnes exclues du droit au chômage et pouvant prétendre à une aide du CPAS ne l’ont pas fait.

Les raisons à ce non-recours sont variées : méconnaissance du droit, difficultés communicationnelles et d’accès à la technologie et à Internet, coût de la mobilité, réseau social et familial défaillant. Alors même au sein des populations les plus fragilisées, une sorte de classement prend jour. Ceux qui ne cumulent pas toutes les difficultés mentionnées précédemment parviennent à s’informer, font valoir leurs droits et tentent d’améliorer leur situation.

D’autres possèdent moins de ressources et ne parviennent pas à se conformer aux attentes du système et au fonctionnement de l’administration et n’ont pas recours à certaines aides sociales. Cette attitude passive face à l’information est d’autant plus stigmatisante dans un système où l’allocataire est sensé fournir un résultat.

L’impossibilité d’une partie de la population démunie de comprendre comment avoir recours à ses droits ne fait que creuser les inégalités avec le reste de la population. Au final, la réalité du non-recours aux droits rendent les pauvres toujours un peu plus pauvres.

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