Travailleur social, un métier en quête de sens

Oct 26, 2018

Les travailleurs sociaux n’ont aucun intérêt à ce que la pauvreté existe. Celle-ci ne leur rapporte aucune ressource financière.  Ce qu’ils recherchent : une profession qui a du sens.

Dans le secteur marchand, que l’on propose des produits ou que l’on fournisse des services, que l’on s’adresse à un particulier ou à une entreprise, tout est basé sur le profit, lui-même issu du portefeuille du client. Sa survie en dépend. L’existence du secteur associatif dépend, quant à elle, des problèmes à résoudre. Ainsi, un mouvement militant en faveur de l’écologie n’a aucune raison d’être sans réchauffement climatique, une ONG qui vient en aide aux victimes de guerres ne peut exister dans un monde de paix et une association luttant contre la précarité n’est d’aucune utilité dans un pays dont toute la population vit dans l’opulence.
Dès lors, pourrait-on penser que cette dernière aurait tout intérêt à ce qu’il y ait des pauvres et à ce que ceux-ci le restent ?

D’un point de vue individuel, cela n’a aucun sens. Les travailleurs sociaux sont moins bien payés que dans bon nombre d’autres secteurs. Par exemple, on peut comparer les barèmes salariaux du personnel aidant dans le secteur de l’aide aux sans-abri (issus de la commission paritaire 319.01) à ceux des cadres dans le secteur bancaire (issus de la commission paritaire 310), en prenant les montants les plus bas.

On remarque que l’écart salarial est présent dès la première année de travail et se creuse fortement à 15 ans d’expérience et que le salaire finit par stagner dans le secteur de l’aide aux sans-abri, alors qu’il continue d’augmenter dans le secteur bancaire.

Et encore, ce graphique est fort théorique et ne révèle pas toutes les réalités du terrain. En effet, ici, on se base sur un travailleur occupé à temps plein. Or, dans le secteur associatif, les temps partiels et contrats à durée déterminée sont prédominants. Ces salaires sont donc à revoir à la baisse pour la plupart des travailleurs sociaux, sans oublier que ceux-ci ne sont pas certains de voir leur contrat reconduit.

À cela s’ajoute souvent l’absence d’avantages extralégaux que l’on retrouve dans d’autres secteurs : assurances groupe, chèques-repas, treizièmes mois…

Alors, pourquoi tant de personnes travaillent dans le secteur associatif ?
« La lutte contre la pauvreté est un moteur qui donne un sens à l’action sans pour autant conduire à un gain monétaire. C’est cet objectif de solidarité qui motive les travailleurs à poursuivre leur action et ce, même dans des conditions précaires », affirme Bruno Gérard, directeur de BRUXEO, la confédération des entreprises à profit social à Bruxelles. Autrement dit, les travailleurs sociaux préfèrent exercer un métier qui a du sens plutôt que de bien gagner leur vie. La pauvreté ne leur rapporte rien en termes financiers. Au contraire, pour faire sens, ils veulent lutter contre la pauvreté.

Cette notion d’engagement se retrouve également dans les conseils d’administration du secteur social. « Contrairement à ceux du secteur marchand, les CA du secteur associatif ne sont pas composés d’actionnaires qui sont là pour s’enrichir. Les administrateurs sont tous bénévoles », explique Bruno Gérard.

L’argent des ASBL

Du point de vue du secteur, les associations de lutte contre la précarité ne peuvent pas vivre de leurs « clients », étant donné que ceux-ci sont justement des personnes vivant dans la précarité et, partant, dans l’impossibilité de payer. Qui plus est qu’une association sans but lucratif doit toujours réinjecter l’ensemble de ses bénéfices dans sa finalité sociale.
Dans ce cas, d’où provient l’argent des ASBL ? Celles-ci doivent multiplier leurs ressources : appels à projets, subventions, récoltes de dons…

« Par ailleurs, il faut noter que le financement public des associations provient du budget général et de la sécurité sociale, qui sont eux-mêmes alimentés par l’impôt, la TVA et les cotisations sociales. Si on appauvrit les citoyens, on entraîne une diminution des budgets liés à la collectivité et donc on fragilise les ressources du secteur », relève Bruno Gérard.

Encore un argument démontrant que les associations n’ont aucun intérêt à appauvrir la population.

Share This