Sont-ils si différents ?

Nov 9, 2018 | Decryptage - 10, Décryptages, Emploi, Home-20, Sécurité sociale / Santé

Les sans-abri sont-ils si différents de nous ?

En vivant à la rue, les sans-abri voient une partie de leur identité effacée. En vivant à la rue, on perd tous ses repères, on n’est plus vraiment soi. Les particularités de chacun disparaissent progressivement. Dans la rue, on ne distingue plus le genre, l’âge, la nationalité, le vécu et les expériences des personnes.

Le regard porté sur les gens à la rue n’est pas forcément teinté de mépris mais il l’est certainement d’indifférence. On oublie vite que les sans-abri avaient un quotidien, peut être un travail, des habitudes, des aspirations, voire même une famille. La rue gomme les individualités, privant les sans-abri d’une particularité qui nous rattache tous au monde et nous fait exister.

Une catégorie d’inadaptés à contrôler

Historiquement, le clochard est vu comme un inadapté. Comme l’explique Marc Uhry (CEO de Long John Silver), au début du XXe siècle en France, des lois contre le vagabondage prévoient le bagne en cas de récidive. De nos jours, en Hongrie, dormir à la rue peut être puni pénalement, et est considéré comme une occupation abusive de l’espace public.

« Cette réalité est plus profonde et traverse l’ensemble de la société comme en témoigne l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme sur la protection contre la détention arbitraire  qui dispose que : « Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf […] et les vagabonds. », poursuit Marc Uhry.

La métaphore des grands singes

Selon Aristote, c’est l’appartenance à la Cité qui fonde l’humanité. Celui qui n’en fait pas partie est « soit un Dieu, soit un animal »,  et n’est donc pas tenu par des règles qui l’humanisent aux yeux des autres.
Rien n’a vraiment changé de ce côté là, le sans-abri est vu comme étant affranchi des cadres sociaux tout en étant une bête incapable de se plier aux règles de la civilisation. Il est, dans tous les cas, incapable de revenir seul à la civilisation.

Souvent perçus comme de grands singes, les sans-abri préfèreraient rester à la rue, plutôt que de séjourner dans un centre d’hébergement. Autrement dit, ils préféreraient leur habitat naturel plutôt que d’aller dans un zoo, synonyme d’enfermement.

Il n’y a pas de profil unique

Il est facile de regarder tous ceux qui sont à la rue comme formant un tout où on ne distingue plus personne. Mais le regard uniforme porté sur les sans-abri ne dit rien de la multiplicité des parcours et des vécus de ceux qui dorment dehors. Difficultés administratives ou financières, problèmes de santé mal pris en charge : les raisons qui peuvent précipiter à la rue sont nombreuses.

Accéder à un logement n’est pas chose aisée et les politiques migratoires, les politiques de santé, les politiques pour la jeunesse ne favorisent pas toujours la sortie des sans-abri de la rue. Comme l’explique Marc Uhry, il n’existe pas « de gène commun de la défaillance » mais une multitude de parcours individuels.

Ramener les sans-abri dans la société

Bien qu’ils vivent les villes, les sans domicile fixe n’en font pas vraiment partie.

Le défi est alors de ramener les sans-abri de l’extérieur vers l’intérieur de la société dont ils sont en marge. Un accompagnement psycho-social peut alors se déployer pour insérer les personnes au cœur de la société et leur permettre de retrouver normes sociales et humanité car, comme poursuit Marc Uhry, « l’humanité est un processus d’éloignement de l’animalité ».

Les sans-abri n’ont pas toujours été des individus en marge de la société et des normes qui la régissent. C’est le regard qui est porté sur leur situation et leur marginalisation qui amène à les représenter comme des animaux.
Le concept d’inclusion sociale fait son chemin et encourage à accepter la société dans sa diversité et d’adapter la société aux différences et aspérités de chacun.

Aujourd’hui, le défi n’est plus de voir les sans-abri comme des animaux devant devenir l’égal de l’humain mais de les accompagner et de les inclure dans ce « nous » collectif.

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