Plus on aide les pauvres, plus ils se laissent aller et deviennent misérables.

Le vocabulaire utilisé pour décrire les pauvres relève exclusivement du registre péjoratif. Les qualificatifs simplistes sont légion : fainéants, profiteurs, dépendants, magouilleurs, incapables…
Dans ce contexte, difficile de voir les personnes en situation de précarité comme capables de se prendre en main et d’être autonomes. L’expérience de terrain dans les CPAS montre une réalité bien plus nuancée.

Les CPAS, maillon essentiel entre l’État et le citoyen

La conception du travail social et, avec elle, les pratiques des CPAS ont beaucoup changé. Autrefois empreint de paternalisme, il n’y avait pas ou peu de place pour la parole de l’usager dans l’accompagnement de l’assistance publique. La logique à l’œuvre aujourd’hui tend à laisser de la place à la parole des bénéficiaires.

 

Photo : Jean SPINETTE – CPAS de Saint-Gilles

L’importance de recréer un lien solide entre les CPAS et leurs usagers, donc entre l’État et les citoyens, est primordiale. Le CPAS représente le dernier maillon dans l’espoir de se réinsérer pour de nombreuses personnes déchues des droits au chômage. Il maintient l’écoute, la guidance psychosociale pour aider chacun à dépasser ses propres difficultés. Sans moraliser, l’action du CPAS a pour vocation de placer les personnes au centre des actions de réinsertion tout en tenant compte de leur vécu.

Pour se faire, comme l’explique Jean Spinette du CPAS de Saint-Gilles, de nombreux ateliers sont mis en place sur des thèmes très variés : surendettement, santé, énergie, surconsommation… Ces ateliers, poursuit-il, permettent de mettre à jour l’ingéniosité et l’énergie dont font preuve les personnes dans leurs parcours respectifs.

Entre désinvestissement de l’État et responsabilité sociétale

Pourtant, ces parcours individuels ne sont pas sans embûches. L’État se désinvestit toujours plus des politiques de lutte contre la pauvreté, et pour Jean Spinette, il faut « tendre vers une collaboration réelle  – sous le mode du « compagnonnage social » entre les CPAS et leurs usagers » pour espérer rendre leur action la plus efficace possible.

Mais hélas, les CPAS, comme n’importe quelle institution souffrent aussi de la défiance de leurs usagers. Cette défiance se trouve accentuée dans les pratiques de contrôles des bénéficiaires d’aides sociales, et encourageant le non-recours aux droits, voire découragent définitivement les bénéficiaires à recourir au soutien et à l’accompagnement du CPAS.

Le préjugé qui fait du pauvre une personne non-autonome encourage les qualificatifs négatifs et réducteurs. Cette image du pauvre incapable masque la brutalité des environnements social, économique, juridique, psychique qui sont de réels freins à l’épanouissement personnel et la sortie de la précarité. Cette stigmatisation des populations les plus fragiles « place la responsabilité de notre système économique et social sur les épaules de l’individu isolé » selon Jean Spinette.

Pourtant, la prise en compte du vécu des personnes brosse le portrait d’individus résilients davantage que celui d’assistés dépendants.

Pour se sortir d’un quotidien précaire, on se doit nécessairement, comme réflexe de survie de faire preuve d’un esprit de débrouillardise. Bien souvent, la passivité est un luxe dont les pauvres n’ont pas le temps de jouir.

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