Qu’en est-il vraiment ?

Oct 17, 2018

« Les pauvres coûtent un pognon de dingue », qu’en est-il vraiment ?

Une croyance bien ancrée veut que les pauvres coûtent énormément d’argent à l’État, si bien que l’aide sociale précipiterait la faillite de l’État.
Entre fantasme et réalité, où situer le curseur sur ce que coûte réellement l’aide sociale au pays ?

S’il est une population fragile et montrée du doigt, c’est bien celle des chômeurs. Ils sont souvent perçus comme responsables de leur situation et stigmatisés comme étant un poids à la charge des actifs. Pourtant, le coût des indemnités du chômage est loin d’être la plus grosse dépense de l’État, environ 8 milliards d’euros par an. Le financement des pensions représente un coût bien plus lourd à porter avec 42 milliards d’euros prélevés chaque année, soit environ 10% de la richesse nationale.

Universalité et système de répartition : les fondations de la Sécu

Cette stigmatisation des bénéficiaires de l’aide sociale peut faire sourciller quand on sait comment a été pensée la Sécurité Sociale d’après-guerre. Elle est régie par un principe, celui de l’universalité et s’appuie sur un système de répartition des revenus professionnels.
C’est à dire que les actifs financent les inactifs et que tous les individus ont droit aux mêmes prestations sociales : assurance maladie, allocations familiales, assurance chômage et pension.

Une démographie changeante

Mais le système d’aide sociale connaît de profonds déséquilibres dus en partie à un problème démographique : la génération du baby-boom a vieilli et les aînés jouissent d’une espérance de vie de plus en plus longue.
Ce qui a pour conséquence de modifier la pyramide des âges qui s’est transformée en cylindre. Les conséquences sur le modèle de protection sociale sont sans précédent : la balance entre la part des actifs et des inactifs pourrait ne plus être assurée. De plus, les pauvres qui bénéficient de l’aide sociale ne sont pas que les chômeurs. En effet, près de 40% des retraités vivent en dessous du seuil de pauvreté et 10% d’entre eux disposent de revenus inférieurs à 1000 euros par mois.

Le défi est donc de repenser et d’améliorer l’aide sociale pour lutter contre ce déséquilibre, tout en préservant l’équilibre financier de l’État.

Repenser la Sécurité Sociale

Bruno Colmant (Université Libre de Bruxelles, Académie Royale de Belgique) suggère d’inclure tous les types de revenus dans le financement de l’aide sociale et pas uniquement les revenus du travail, comme c’est actuellement le cas.

En appliquant à tous ces revenus un système de taxation par tranches progressives, la fiscalité serait plus juste et l’État disposerait d’un socle de ressources plus large pour financer l’aide sociale.

Par ailleurs, l’universalité de l’aide sociale montre des situations disparates : pour certaines personnes fortement précarisées, les prestations sociales sont vitales et s’avèrent parfois insuffisantes alors que pour des foyers plus aisés ces aides peuvent être de l’ordre du superflu.

 

Ce constat amène Bruno Colmant à voir la Sécurité sociale comme devant bénéficier en priorité aux personnes les plus démunies. À titre d’exemple, en matière de pensions, ceux qui ont cotisé le moins doivent pouvoir jouir d’une pension suffisante pour vivre décemment alors que ceux qui disposent de revenus plus confortables peuvent être incités à capitaliser leur épargne tout au long de leur vie active.

Pour devenir durablement pérenne et ne pas s’effondrer, le système d’aide sociale se doit d’évoluer vers une solidarité des plus riches au profit des plus pauvres.

En définitive, l’État dispose de ressources suffisantes pour assurer l’aide sociale. Il doit néanmoins prendre des mesures structurelles pour faire évoluer le système qui financera l’aide sociale à long terme en évitant la banqueroute et l’augmentation des inégalités.

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